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ValerieDemey est une cycliste professionnelle chez Liv Racing sur l’UCI Women's World Tour. Nous l’avons interrogée sur son expérience de femme dans un sport d’hommes et sur comment parvenir à une plus grande égalité des genres.

Penses-tu avoir toujours les mêmes opportunités que les hommes dans ton sport?

Je suis une cycliste professionnelle et depuis 2 ans, je roule chez Liv Racing. Je ne peux pas me plaindre des opportunités que j'ai eues et que j'ai encore. De plus, notre équipe était liée à l’équipe CCC des hommes et nous avions beaucoup en commun même s’il n'y avait pas une égalité totale. Nous sommes une équipe moyenneet Liv Racingnous offre de nombreuses opportunités.

Mais il y a également un grand nombre de femmes cyclistes (surtout en Belgique) qui doivent gérer leur carrière autrement. Et d’autre part, on observe aussi entre-temps un mouvement dans la direction opposée: des Teams comme DSM et Trek-Segafredo par exemple ont tout aligné entre hommes et femmes. A la seule différence que dans la course, les femmes doivent se battre toujours plus pour leur place. Côté hommes, il y a les porteurs d’eau, côté femmes, c’est moins fréquent et avec parfois pour conséquence: 'si tu n’as pas fait de chrono, tu as fait une mauvaise saison'.

J'ai la chance d'avoir le soutien de Sport Vlaanderen en plus de celui de Liv Racing et je leur en suis très reconnaissante. Grâce à eux, j'ai réussi à avancer dans la bonne direction et j'espère pouvoir continuer à le faire à l'avenir.

Les femmes sont-elles aussi fortes mentalement que les hommes?

Je pense que les femmes sont peut-être bien plus fortes. Pour faire court, et certainement à partir de ce que je vois dans mon sport, côté hommes, tout, absolument tout, est fait pour les pousser à performer au maximum. Alors que les femmes doivent souvent chercher elles-mêmes des solutions.

Tu dois beaucoup plus partir à la recherche de ce qui peut t’aider à progresser. Cela peut se faire à tous les niveaux mais c’est évidemment l’aspect financier qui est le plus important et dont il faut toujours tenir compte (et en réalité, cela vaut pour tout le monde).

Pour pouvoir pratiquer ce sport dans des conditions optimales, il faut parfois consentir de gros investissements et la solution, c’est bien souvent toi qui dois la trouver. Cela te rend mentalement plus forte de devoir faire face à tout cela et en même temps, continuer à t’entraîner dur.

Les femmes top athlètes bénéficient-elles de la même reconnaissance que leurs homologues masculins?

De notre côté, la situation est en train d’évoluer,tout comme l'aspect financier. Toutes nos courses du World Tour sont retransmises en direct à la télévision et c'est un bon début. Les équipes qui participent au Word Tour doivent aussi verser un salaire minimum à leurs athlètes. Ce qui est tout à fait positif. Les mesures prises vont dans la bonne direction. Mais l'égalité est encore loin d’être acquise. Tant sur le plan médiatique que financier.

Comment vois-tu ton rôle dans l’amélioration de l’égalité des genres dans le sport?

A mon avis, il nous faut tous, en tant qu’individus dans ce sport, tirer sur la même corde. Tout le monde devrait être sur la même longueur d'onde. Je n'ai pas moi-même le statut pour agir seule. Personne ne l’a en réalité mais si nous travaillons tous ensemble pour faire de notre sport un environnement encore plus favorable, plus sûr et plus sécurisé, identique à celui des hommes, alors nous y arriverons. C'est une cause que tout le monde doit soutenir et pas seulement quelques individus.

Est-ce positif pour une femme athlète d’avoir des femmes dans son encadrement?

Effectivement, c’est très chouette d'avoir plus de femmes dans son encadrement. Et c'est positif bien sûr. Mais ce n’est pas encore le cas en ce qui nous concerne. Personnellement, je souhaiterais rester active après ma carrière de cycliste et je compte bien prendre ma place dans le sport. Plus il y aura de femmes, mieux ce sera. Et vous le savez, un bon manager ou un bon kiné, etc. ... ne dépend pas seulement du fait d'être homme ou femme.

Quelles sont, d’après toi, les actions concrètes à mettre en place?

C'est difficile à dire. A l’heure actuelle, il existeun projet ‘ZijaanZij’ qui vise à pousser toujours plus de filles à faire du vélo de course et de la compétition. C'est super mais ils ne doivent pas oublier les femmes cyclistes qui sont déjà dans le circuit. Elles aussi ont besoin d’un soutien pour tirer le meilleur parti de leur carrière.

C'est grâce à mes parents que je suis arrivée là où je suis aujourd'hui et cela a coûté beaucoup, beaucoup d'argent mais aussi de temps et d'énergie. Et tous les parents ne sont pas prêts à te soutenir ainsi.

Nous avons de vrais talents en Belgique et dans les médias, on nous compare souvent aux Néerlandaises. J’ai la chance de rouler avec une équipe néerlandaise. Il y a effectivement de grandes différences avec une équipe belge mais ce serait trop long à vous expliquer ici, et je ne veux certainement pas être négative, les équipes belges doivent généralement se contenter de ce qu’elles ont.

C’est tellement important d’avoir des opportunités et du soutien, tout comme d’accorder sa confiance aux athlètes que nous avons au lieu parfois de les enfoncer sur les réseaux sociaux. Cela donnera envie aux jeunes filles de rester dans le cyclisme si jamais elles sont confrontées à un choix.

Comment ta carrière sportive t’a-t-elle renforcée en tant que femme, en tant que personne?

Le sport m’a poussée à devenir très vite mature et indépendante. Le fait d’être loin de chez moi, de me retrouver dans un environnement que je ne connaissais pas m’a beaucoup aidée, cela m’a permis de m’épanouir. Apprendre à évoluer avec des personnalités différentes. Apprendre à se battre pour soi-même surtout quand cela ne tombe pas du ciel et qu’il faut travailler dur pour atteindre ses objectifs, c'est ce que je fais toujours d’ailleurs.

Il faut aussi apprendre à gérer les échecs, à s’accrocher quand les choses deviennent plus difficiles, à trouver des solutions, à évoluer avec les bonnes personnes. La vie n’est pas toujours un long fleuve tranquille, c'est vrai en tout point et donc aussi dans le sport de haut niveau.

Il faudrait vraiment que les femmes arrivent à s’imposer dans un monde d’hommes relativement prédominant !