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Joy Jouret est une ancienne joueuse de l’équipe nationale de hockey, les Red Panthers. Après l’équipe messieurs de Namur, elle va coacher dès la saison prochaine l’équipe dames du Waterloo Ducks. Dans sa poche, un master en journalisme et en sciences politiques (ULB) et bientôt un master en psychologie (UCL) - solide background pour cet interview sur les femmes dans le sport, thématique qui intéresse tout particulièrement Joy.

 

Comment es-tu devenue coach? Était-ce prévu ou par hasard?

J’ai joué pendant dix ans en équipe nationale. Une décennie faite d'immenses bonheurs mais aussi de grandes déceptions. Toutes ces émotions intenses que j’ai pu vivre grâce au sport de haut niveau m’ont marquée à jamais et ont certainement contribué à façonner la personne que je suis aujourd’hui.

En me lançant dans le coaching, je me suis donné une mission: faire en sorte que mes joueurs et joueuses se sentent bien dans leur peau, qu’ils se sentent respectés, soutenus et écoutés. J’essaie de créer un environnement idéal de performances où ils peuvent développer leur personnalité et leurs super-pouvoirs uniques!

Après des études en journalisme puis en sciences politiques à l'ULB, j’ai entamé un master en psychologie à l’UCL afin de remplir ma mission de coach au mieux et de pouvoir ainsi répondre de manière optimale aux besoins des athlètes.

Au final, avec le recul, j’ai l’impression que le hockey a, que je le veuille ou non, toujours dessiné les contours de ma vie.

 

Comment s’organise la répartition hommes-femmes au sein de ta Fédération?

Un rapport récent montre que la répartition des membres en termes de mixité est de l’ordre de 60-40 (en faveur du sexe masculin) du côté francophone et de 50-50 du côté néerlandophone. Côté francophone, la Fédération s’est donné pour ambition d’augmenter de 10% le nombre d’affiliées entre 2018 et 2022. Au niveau des joueurs et joueuses, la situation est donc plutôt positive.

Par contre, au niveau des postes de président de club, de responsable technique, d’entraîneur, de coach et d’arbitre, les femmes sont encore bien minoritaires.

 

Y a-t-il égalité des genres dans ton sport?

Comme mentionné plus haut, les chiffres montrent qu’on s’en approche pour les joueurs et les joueuses. Mais que ce n’est pas le cas pour les autres postes.

A noter aussi, les performances féminines dans le hockey bénéficient d’une couverture médiatique et d’une rétribution financière moindres. Cette situation peut s’expliquer en partie par les performances de notre équipe nationale masculine mais cette disparité est aussi sociétale et relève d’un problème structurel plus profond en Belgique.

 

Les femmes sont-elles aussi fortes mentalement que les hommes?

Cela dépend du niveau de lecture de cette question. Je ne suis pas essentialiste, je ne pense pas que les compétences de gestion mentale soient liées au sexe biologique.

Par contre, je crois que les femmes en tant que genre ont, en raison de l'héritage culturel et de leur place actuelle dans la société, développé une résilience particulière face à une charge mentale spécifique et complexe à gérer.

 

Est-ce différent de coacher des femmes ou des hommes?

Pour les mêmes raisons évoquées plus haut, gérer un groupe d’hommes ou gérer un groupe de femmes, c’est différent car les dynamiques de groupe sont souvent influencées par les attentes de la société en termes de genre.

Néanmoins, au cours de mon expérience personnelle, j’ai pu constater lors d’entretiens individuels avec mes joueurs et joueuses que ce sont exactement les mêmes émotions qui sont en jeu et qui se manifestent car ce sont des athlètes avant tout.

 

La reconnaissance des femmes n’est toujours pas égale à celle des hommes dans le sport.

Qu’en est-il dans le hockey?

Il est indéniable qu’il y a une conscientisation du problème et une volonté de faire changer les choses et les mentalités. Cependant, le chemin à parcourir est encore long car les paramètres qui contribuent à cette situation déséquilibrée sont nombreux.

La Fédération belge a créé un projet Girl Power afin de soutenir cet effort, les Fédérations Européenne et Internationale ont créé une campagne de soutien appelée Equally amazing et essaient de promouvoir en leur sein un maximum de mixité. Des initiatives top-down importantes mais qui doivent être accompagnées d’un mouvement bottom-up de la part des acteurs de terrain.

Nous sommes à un moment charnière de l’histoire, les plaques tectoniques bougent lentement mais sûrement. A nous de voir quelle forme prendra le nouveau territoire.

 

Quels rôles jouent les médias dans ce contexte, surtout par rapport à la sensibilisation?

Le marché des médias connaît depuis quelques années une véritable révolution et traverse encore à l’heure actuelle une période mouvementée. En réaction à cela, il y a des médias conservateurs qui veulent prendre le moins de risques possible et perpétuent ainsi une tradition de sous-représentation. Mais il y aussi des médias innovants qui, au contraire, embrassent le changement, souhaitent développer une nouvelle approche et atteindre de nouveaux publics cibles. Ainsi, d’un point de vue financier, si les femmes constituent 50% de la population et que le sport féminin est notoirement sous-représenté, comment ne pas y voir une opportunité incroyable d’avancer sur cette question.

 

A côté des médias dits traditionnels, le rôle des réseaux sociaux est devenu incontournable dans le monde de l’information. Une forme de réappropriation du contenu par le public (avec ses avantages et désavantages) qui contribue à ouvrir le champ des possibles sur le plan de la visibilité.

 

Comment vois-tu l’avenir?

Même si, dans un avenir proche, il faudra encore mener de nombreuses batailles, il faut toujours croire en ses rêves et inspirer les autres à être ce qu’ils ont envie d’être. Et si les choses évoluent globalement dans le bon sens, l’égalité et la non-discrimination ne seront jamais acquises pour toujours, il faudra toujours les défendre.

En Belgique, nous avons la chance de vivre dans un contexte législatif anti-discriminatoire très complet et positif. A nous alors, hommes et femmes engagés et solidaires, d’appliquer ces lois et de les traduire sur le terrain.